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Je me suis inscrite au Gym dès mon arrivée à Buenos Aires en Octobre dernier.
J’avais pris soin, en faisant mon choix de salle de sports, de sélectionner un Gym qui proposait une bonne structure et des machines relativement récentes.
Les Gym en Argentine sont loin de posséder les équipements de qualité que ceux que l’on retrouve au Québec. Les machines sont vieilles, elles sont souvent hors d’usage, en réparation ou certaine de leurs fonctions sont altérées.
J’avais arrêté mon choix sur le Always Gym ; un immense complexe sur 3 étages offrant, en plus des salles d’entrainement, un accès illimité à une multitude de cours.
Toujours est-il que je me dirige vers le Gym hier après-midi et que je commence mon entraînement avec 20 minutes de course sur le tapis roulant.
Le seul tapis roulant disponible est « défectueux « , le mode « arrêt d’urgence » ne fonctionne pas, mais les clients l’utilisent toujours quand même, parce que…qui a besoin de ça, le mode arrêt d’urgence sur un tapis roulant, hein ?
J’entame ma période de jogging.
Le ciel est bleu.
Les oiseaux chantent.
La vie est belle.
Jusqu’à ce que ma playlist arrête subitement de jouer.
Je m’étire le bras pour attraper mon cellulaire que j’ai placé dans l’espace dédié à mettre une bouteille d’eau sur la machine et là je ne saurai trop te dire comment ça s’est produit, mais mon équilibre légendaire et moi-même perdons pied et je me pète la yeule.
Évidemment, je n’ai pas, après mon T-shirt, la petite pince qui enclenche l’arrêt d’urgence qui fait en sorte que la machine s’arrête dès que tu t’éloignes trop du tableau de bord.
Je swing fesses premières, je roule de façon très disgracieuse sur le tapis qui me propulse violemment à l’extérieur tout en prenant soin d’avaler au passage une partie de mes cheveux qui se coincent dans le mécanisme de roulement.
Simultanément, la dame qui court à côté de moi, appuie à 3 reprises sur le bouton d’arrêt de ma machine pour que le tapis s’immobilise.
Le tapis s’arrête.
Je tire sur mes cheveux.
Il ne veut pas me les redonner.
Je tire encore plus fort.
Rien à faire.
Je suis couchée par terre, sur le dos, tresse pognée dans le tapis, le premier étage du Gym qui me regarde l’air de dire " Ben voyons, qu’est-ce t’as fait là ?"
Un haltérophile qui a vu la scène arrive à la rescousse.
-As-tu besoin d’aide ?
-TIRE SUR MES CHEVEUX !!!
Il se met à tirer sur mes cheveux.
J’entend des bruits de déchirement mais la machine lâche pas le morceau.
On pense pas à ça là, mais c’est fait fort des cheveux, surtout quand ils sont bien tressés serré.
Je suis rendue avec la moitié du Gym à l’entour de moi qui tente d’évaluer comment me sortir de là.
Je me roule sur le côté puis je me mets à quatre pattes, le bout de tresse pas mangé par la machine direct dans face et je tire frénétiquement sur ma couette à une main.
J’éclate de rire tout en ayant un peu ( beaucoup ) honte et en me disant « est-ce que je suis vraiment en train de vivre ça ? »
C’est là que je sens une main sur mon épaule et que j’entends une douce voix me dire : "Ce ne sera pas long, je vais aller chercher des outils pour défaire le tapis."
Toujours à quatre pattes, je me tourne la tête vers la droite et je vois Juan, mon sexy prof de yoga.
J’ai plein de scénarios qui me viennent en tête dans lesquels je serais vraiment à l’aise d’être à quatre pattes en présence de Juan( chacun d’entre eux impliquant le Yoga, évidemment), mais celui-ci n’en fait pas partie.
Le beau, musclé et flexible Juan
Namaste Juan.
Juan sur lequel je fantasme depuis plus de 4 mois.
.
Le Juan auquel je suis incapable de répondre quoi que ce soit lorsqu’il me parle parce que les jambes me tremblent.
Le Juan avec lequel je fais exprès de mal faire mes postures de Yoga pour qu’il mette sa main dans le creux de mon dos pour me corriger.
Juan-la-seule-raison-pourquoi-je-fais-du-Yoga.
Est-ce que j’apprécie le Yoga ? Pas tant que ça, non !
J’apprécie d’observer Juan faire du Yoga et ça, ça implique que je doive en faire.
Faire du Yoga n’est donc qu’un malheureux dommage collatéral à mon activité de regarder Juan en faire.
Câlisse ! mais pourquoi, la vie ? POUR-QUOI ?
Je me lève le bras droit et je fais aller mon index de droite à gauche : NON.
TIJERAS !
Je lui fait le mime du ciseau en langage international des signes.
Juan revient rapidement avec les pires ciseaux de tous les temps.
Il se penche et me les donne en me demandant :
« Tu es certaine de vouloir couper tes longs cheveux ? »
J’essaie d’adopter le ton le plus décontracté qui soit et je lui dis :
« ah, ça va ! Ce ne sont pas vraiment les miens de toute façon »
Intérieurement je pleure ma vie . ASTI ! MES RALLLLLLLLLLONGES !!!!
Une des choses les plus importantes, pour moi, sur mon corps, ce sont mes cheveux.
Mes cheveux sont ma marque de commerce, c’est pour moi un moyen d’expression.
Mais il y a clairement quelque chose que j’aime plus que mes cheveux : MA DIGNITÉ.
Pognée à quatre pattes après un tapis roulant,je sens qu’elle m’a quittée !
Couper mes cheveux est la clé pour retrouver ma dignité. Je peux la voir, la sentir.
Elle est si près…à quelques centimètres au-dessus de moi, à peu près à la hauteur du torse de Juan je te dirais…
J’attrape les ciseaux de la main droite et tout en tentant de maintenir l’équilibre, je m’étire le bras vers la gauche où ma couette est prise pour entamer le carnage, mais je ne vois pas grand-chose.
Je redonne les ciseaux à Juan : COUPE !
Juan s’agenouille devant le tapis et se met à l’action.
As-tu déjà essayé de couper ça des cheveux à l’aide de ciseaux d’enfant de maternelle avec les bouts arrondis ?
C’est pas une suggestions que je te ferais.
Ca coupe difficilement du papier bricolage, image une tresse !!!
Juan est finalement venu à bout de me libérer en prenant bien soin de me laisser le plus de longueur possible.
Dans ma tête, ça a duré 3 heures cette histoire-là.
Dans les faits, ça doit se situer entre 4 et 6 minutes, maximum.
Les 4 à 6 minutes les plus longues que j’aie vécu dernièrement.
Ça faisait longtemps que j’avais pas trouvé le temps long de même !
La dernière fois c’était lors des 7 jours de pure catastrophe que j’ai passé au Mexique, en juillet dernier, mais ça c’est une tout autre histoire que je te conterai peut-être un jour.
Bref, je me suis relevée, j’ai retrouvé un peu de ma dignité, mais y’en avait quand même un bout qui s’était évaporé.
Un des entraineurs sur le plancher à fait repartir le tapis roulant qui n’a jamais voulu recracher ma couette.
Ils vont devoir le démonter pour retirer mes cheveux.
Mon entrainement s’est arrêté là, hier. Je suis rentré chez moi et j’ai pris un rendez-vous en urgence, jeudi, avec Bruno Salas, pour qu’il m’arrange ça.
Si jamais vous me voyez à quelque part sur youtube ou dans un réel, à quatre pattes, accrochée après un tapis roulant, vous saurez ça vient d’où.
Ce sera tout.
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