Je suis arrivée à l'aéroport de Marrakech 3h15 avant mon vol, ce matin.
Je suis passée rapidement au comptoir de la Royal Air Maroc qui assurait ma connexion entre Marrakech et Casablanca d'où mon vol vers Le Caire partait.
À l'aéroport de Marrakech, il y a 2 contrôles à passer avant de pouvoir atteindre la zone internationale.
Un scan et une douane.
Arrivée au comptoir des douanes, après 10 minutes en ligne, un des employés me fait signe de m'avancer au comptoir.
Je lui tends mon passeport.
Il ne me regarde pas.
Ne me pose aucune question.
Il regarde attentivement chacune des pages de mon passeport.
Il le scan dans sa machine, se lève et quitte son box avec " mon précieux".
Je suis confuse
J'attends.
Et encore.
5 minutes, puis 10, puis 15 passent.
Mon "pas de patience" et moi, on trouve ça long.
Je bloque la ligne entière numéro 7 des douanes.
Après une vingtaine de minutes, je vois un homme au loin, avec un uniforme qui indique clairement un rôle supérieur de la sécurité, qui tient mon passeport entre ses mains et...le douanier qui s'était volatilisé, qui traînent mon bagage en soute précédemment enregistré auprès de la Royal !?!
En 30 secondes, je décortique mentalement le contenu de mon bagage.
Rien à signaler, I'm all good.
L'officier supérieur arrive près de moi et me pointe ma valise :
- Mme Lussier, est ce qu'il s'agit bien de votre bagage?
- Oui.
- Je vais vous demander de me suivre.
Les deux hommes me conduisent dans un long corridor puis arrêtent devant une porte.
Le supérieur sort une clé pour ouvrir et me demande d'entrer.
Je peux lire sur le côté de la porte : " salle de détention".
Fuck.
Ça se bouscule dans ma tête.
Il me demande de m'asseoir à une table sur laquelle il dépose mon bagage devant moi.
- Votre destination finale ?
- Le Caire.
-Qu'est-ce que vous allez faire, en Egypte?
-Voir les pyramides.
Silence.
Il me scrute de la tête au pied.
- Mme Lussier, avez vous fait votre bagages vous même?
- Oui
- Est-ce que votre bagage a été laissé sans surveillance, à un moment où à un autre.
Je prends une minute pour y penser.
Je refais en entier mon trajet du matin entre ma chambre d'hôtel et le moment où je mets ma valise sur la balance.
- Non.
- Donc vous me confirmez que tout ce qui se trouve dans ce bagage vous appartient et que c'est vous qui l'y avez mis ?
À cet instant, j'ai vraiment un moment d'incertitude et de légère angoisse.
Je ne veux rien confirmer tant que je ne vois pas le contenu de ma valise.
- En fait, non. Ce que je peux confirmer c'est que lorsque j'ai remis mon bagage à la Royal Air Maroc, tout ce qui s'y trouvait, à ce moment là, m'appartenaient. Mais là, ça fait près d'une heure que j'ai perdu le contrôle de ma valise, donc je ne peux pas vous confirmer ça, non.
Il reste de marbre.
- Vous voyagez beaucoup.
Je ne suis pas certaine s'il s'agit d'une affirmation ou d'une question.
J'hoche la tête de haut et bas, mon regard fixé sur ma valise.
- Vous n'avez pas l'air nerveuse.
JE SHAKE PAR EN DEDANS !
Mais je suis passée pro, il y a déjà longtemps, dans l'art de cacher mes émotions!
- Non. Je ne comprends pas pourquoi je suis ici.
Moment de silence.
Il m'analyse encore durant de longues minutes.
- Parlez-moi de la Colombie.
- J'y ai passé 3 mois, l'hiver dernier, parcequ'il y fait beau et que c'est abordable.
Il passe alors en revu à peu près toutes les estampes qu'il y a dans mon passeport, me demandant de justifier chacun des déplacements et les nombreux aller-retour dans les caraïbes.
-Je travaille en tourisme, monsieur.
Il se lève, se dirige vers la porte, me dit de l'attendre et de ne pas toucher à mon bagage.
J'attends.
Je regarde une heure passée, lentement, une minute à la fois.
Puis une deuxième heure.
Les seules choses auxquelles je pense sont les suivantes :
- quelqu'un a mis de la drogue dans ma valise.
- ça va me coûter ma maison en frais d'avocat spécialisé en droit international
- les toilettes doivent être dégueulasses dans les prisons marocaines.
- j'espère que le trafic de drogue est passible de la peine de mort. J'aime mieux mourrir que de passer 30 ans enfermée.
- faut vraiment que j'arrête d'écouter " un voyage d'enfer", je me fais beaucoup trop de scénarios.
9h40 sur l'horloge.
L'embarquement de mon vol est déjà commencé.
Il n'est toujours pas revenu.
10h, il entre à nouveau dans la salle.
Il place ses mains sur mon bagage.
-Alors, Mme Lussier, si j'ouvre cette valise, je n'y trouverai rien d'illégal ? aucune substance illicite ? aucun stupéfiant?
- Pas que je sache, non. ( Le pire que tu pourrais trouver, à ma connaissance, c'est du NyQuil)
-Vous maintenez que vous n'avez rien à déclarer ?
Il a atteint la limite de ma petite patience.
Sur une intonation de " Là j't'à boutte ", je lui dit : "Bin ouvre-la, la criss de valise! "
Il me fait un immense sourire, me tend mon passeport et ma carte d'embarquement en me disant :
- Malheureusement vous avez manqué votre vol. Vous pouvez vous présenter au comptoir de la Royal Air Maroc, ils vous mettrons sur le vol suivant. Bonne journée Mme Lussier!
Je suis sous le choc et en total incompréhension pendant un bon 30 secondes et soudainement, je deviens hors de moi et le terme est faible.
Je lui dit :
-Oh non, attends ! j'exige de voir le contenu de ma valise avant que vous ne l'enregistriez à nouveau à mon nom.
Il me fait signe de la main : be my guest.
J'ouvre mon bagage.
Tout est exactement comme je l'ai placé.
Je fouille frénétiquement chaque coin, racoin , double fond.
Rien.
Je la referme d'un mouvement très brusque.
Je pense très fort : "VA CHIER, CONNARD !" suivi de beaucoup de mots d'église et d'adjectifs qualificatifs vraiment pas reluisants.
Mais je ne dis rien.
Je me maitrise tellement bien, je m'impressionne moi-même !
Je l'ai simplement regardé avec des couteaux dans les yeux .
S'il avait été capable de lire dans les pensées, il se serrait vu, ainsi que son arbre généalogique au grand complet, dans des scènes d'une violence extrême, digne des plus grands films d'horreur, en train de se faire torturer et de supplier qu'on mettre fin à leurs jours.
Si j'avais eu les pouvoirs de Carrie, l'aéroport de Marrakech au grand complet passait au feu !
Ouep, je peux être sadique de même, et sans pitié, quand on compromet ma liberté.
Je te rassure, j'étais redevenue totalement normale et saine d'esprit 10 minutes plus tard, après les avoir, de façon imaginaire, tués, ramenés à la vie, puis assassinés de nouveau, à répétition.
J'ai attrapé le vol suivant vers Casablanca, juste à temps pour prendre ma connexion vers l'Égypte.
Je ne sais pas pourquoi ils ont fait ça.
Je ne le saurai jamais.
La seule chose que je sais c'est que je suis arrivée au Caire ce soir, à 21h et que...JE N'AI PAS DE BAGAGE.
J'ai décidé de rire, au lieu de pleurer !
En direct de l'Egypte, brûlée bin raide, it's time to bed, bonne nuit X
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