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COMMUNE 5

claudinelussier185



Medellin, Communa 5


Assise sur une terrasse annexée à une boutique souvenir, je décide d'y entrer jeter un œil.

Une touriste au fort accent allemand demande au commis s'il vend des t-shirts avec le visage d'Escobar.

Le commis, de glace, lui demande : "Est-ce qu'ils vendent des t-shirts avec le visage d'Hitler, à Berlin ? "


Je savoure le malaise.


C'est incroyable les faux pas, involontaires, qu'on peut faire en tant que touriste, quand on ne s'informe pas correctement sur la destination que l'on prévoit visiter.


Escobar, ce n'est pas juste une série sur Netflix, c'est aussi un homme qui a réellement existé, tué, séquestré, terrorisé et torturé une nation durant près de 25 ans.


****


Il n'y a pas si longtemps encore, Medellin trônait à la peu désirable première place des villes les plus dangereuses au monde.

Ayant été l'épicentre de la guerre des narcotrafiquants, desquels était à la tête Pablo Escobar, puis ensuite de la guérilla entre la FARC et l'ENL, la ville connue près de 50 ans de jours sombres et sanglants avant de pouvoir se remettre sur pied et de finalement laisser sa place, en 2014, à Caracas (Venezuela) au sommet de la triste liste des destinations à éviter.

Medellin n'est pas comme le Phénix, elle ne renait pas de ces cendres, celles-ci flottent encore partout en ville, dans chacun de ses quartiers.

En suspension au-dessus de la tête de ses habitants, elles font office de mémoire collective.


Immense, la ville de l'éternel printemps se divise en 16 communes qui eux, se subdivise en quartiers.

Les frontières sont invisibles à l'oeil nu mais elles se perçoivent dans l'interprétation des évènements de l'histoire récente et particulièrement dans l'opinion populaire de celui qui fût le baron de la drogue de 1970 à 1994 : Pablo Escobar.


Les résidents des quartiers (dépotoires) Sud-Est de la ville avaient à cette époque bénéficiée de plusieurs privilèges de la part du Cartel, réussissant ainsi à se sortir d'une vie misérable. Dans la commune 9, près de 400 familles s'étaient vu construire des maisons par le clan Escobar, transformant la décharge à ciel ouvert en endroit où les espoirs étaient permis.


Pablo Escobar pris soin de la commune 9 durant tout son triste règne en fournissant aux habitants des toits, des structures de jeux pour les enfants, des systèmes de filtrations des eaux adéquats, etc.

Aujourd'hui, le quartier jadis connu sous le nom de Milagrosa porte le nom de "Barrio Pablo Escobar", au grand désespoir de la mairie.

Une gigantesque fresque du trafiquant orne l'entrée au secteur et la rue principale a été baptisé "El Patron" en hommage au surnom du criminel.

C'est la population du quartier qui entretient religieusement la fresque, la retouchant annuellement et refusant ardemment que la mairie reprenne possession du territoire.


Au Nord au Sud et à l'Ouest, dans les autres communes, la colère gronde.

Escobar n'est pas le bon samaritain de la commune 9 mais un homme vil et pervers qui est responsable de la mort de leur père, leur frère, leur fils.


Chacune des âmes qui vit ici est une victime directe ou indirecte de l'époque Escobar, les années du Cartel ayant fait plus de 20 000 morts.


***

L'allemande quitte, sans dire mot.

Le commis me regarde et me demande d'où je viens.

-Montréal.

-Ah Canada...vous ne vivez pas constamment avec les fantômes de gens mauvais qui sont passé à l'histoire. Vous n'avez pas de criminels étalés sur vos murs. C'est lourd, très lourd. Es Pesado !


J'ai une pensé express pour nos premières nations, qui elles, vivent dans un pays où l'on a érigé des statuts à l'effigie des "grands" de l'histoire qui les ont ostracisés, volés, violés, déshumanisés ,mais je n'ai pas envie d'entamer cette conversation avec le commis.


Je lui fais une moue compatissante, je paie mon café et je sors.

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