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BRUNO SALAS, LE TERRIFIANT COIFFEUR DE PALERMO

claudinelussier185



Sur la rue Guatemala, camouflé entre deux arbres et deux restaurants d’empanadas, se trouve le salon de coiffure Bruno Salas.


La bâtisse d’un blanc immaculé contraste avec les fenêtres lourdement grillagées de barreaux noir ébène.


La porte est close, même en plein jour.

J’ai rendez-vous à 9hrs.

Je sonne à l’intercom.


Un homme, dans la cinquantaine avancée, m’ouvre, me fait la bise et me souhaite la bienvenue chez Bruno Salas tout en tirant une mèche de cheveux de ma queue de cheval et en l’inspectant avec ce que je qualifierais de léger dédain.


Je sors du gym.

Mes cheveux sont dégueulasses.

Je me questionne à savoir si, en Argentine, il est coutume d’arriver chez le coiffeur avec les cheveux propres, parcequ’à voir la tête du réceptionniste, encore en train de m’analyser le fond de tête en me faisant des sourcils froncés, ce doit être une loi non écrite.


Il me fait signe de le suivre et m’installe sur une chaise au fond du salon.


Le mur qui me fait face est digne d’un musée, rempli de trophées et de plaques d’excellence, certaines provenant d’Europe et d’Asie.


La plus récente récompense : première place aux championnats mondiaux de coiffure 2024, catégorie coiffure pour femme.


Ça me rappelle que j’ai complètement oublié de demander le prix pour une teinture de repousse et une mise en plis quand je les ai contactés sur whatsapp, il y a deux semaines.


Un des membres du personnel me propose un café que j’accepte volontiers.


Chez Bruno Salas, le personnel est entièrement masculin et ce sont tous des cartes de mode.

Le coloriste, Omar, m’invite à passer sur sa chaise et sans me poser de question, entame son travail.


Une fois décolorée, émulsionnée et shampooinée on me dirige vers « le podium », une partie du salon en élévation, pour me faire coiffer.


C’est là que Bruno Salas entre en scène.


Bruno salas.

Jeans noir ajusté.

Foulard rouge, serré au cou.

Chemise satinée, ouverte au torse

Cheveux argentés, coiffés comme Ken.

Bruno Salas porte du vernis noir, des bagues de pierres précieuses du même ton et un tablier de coiffeur avec des studs.


Bruno Salas, s’il n’est pas en train d’exercer son art, a sous le bras un caniche miniature, bouffi et frisé à la perfection , qui répond au nom de Taiz-Reina-de-la-Casa.


Bruno Salas ne sourit jamais.

Il ne parle pas, non plus.

Il est naturellement intimidant.

Il a un air autoritaire.


Quand il coiffe, ce n’est pas du plaisir qu’on perçoit, c’est de l’acharnement.

Quand il fait une mise en plis, il n’est pas au travail, il est en mission.

Il coiffe comme si sa vie en dépendait.


Impossible de dire s’il s’agit d’intense passion pour son métier ou de psychopathie capillaire.


Il m’enlève la serviette minutieusement pliée par Omar, ceinture noir en origami de deuxième génération, qui retient mes cheveux sur le dessus de ma tête.


Il me regarde dans le miroir.

Air glacial.


J’ai la vague impression qu’il essaie de voler mon âme, mais je peux lire dans le fond de sa pupille « tu n’es pas digne ».


Il reste de marbre.

Il attend sans doute que je lui dise ce que je veux comme mise en plis.


Mon cellulaire est resté du côté du coloriste et je ne sais pas comment dire frisé en espagnol.

Je lui pointe Taiz-Reina-de-la-Caza.

Sa tête reste bien droite, ses yeux uniquement faisant un mouvement d’aller-retour vers son caniche.


Il se met à l’œuvre.


Bruno Salas n’utilise ni fer à friser, ni fer plat.

Oh que non ! Chacune de ses mises en plis est faites entièrement à la brosse et au séchoir.

Je le vois sortir sa plus petite brosse ronde de sa ceinture et je me dis " Eh boy, j’suis pas sortie d’icitte ! Prépare-toi la tendinite , Bruno, j’en ai épais !"


Il commence, petite mèche par petite mèche, à me sécher et me friser à la main.

Le séchoir de Bruno Salas ne diffuse pas de chaleur.

Non.

IL CRACHE DU FEU.

Mais quand tu le regardes dans le miroir et qu’il est en train de te faire une bouclette d’un air sadique, tu n’oses pas bouger et tu te dis qu’il vaut mieux tolérer une brûlure au premier degré que de le déranger.


Je suis certaine que Bruno Salas pratique le sado-masochisme.

Je l’imagine de chaps de cuir vêtu, dégainer son séchoir-dragon et brûler les foufounes de son réceptionniste qui en redemande encore.


Durant une heure et 18 minutes, il me coiffe.


Au moment de faire ma frange, il sort un peigne.


Il me soulève le toupet et se met à me crêper ça comme si on était en 1983.


N’importe quel coiffeur aurait commencé un soupçon de crêpage dans ma frange que je me serais exclamée : "Hey ho ! C’est bon ? On se calme sul peigne!"


Mais Bruno Salas, on ne lui dit pas de se calmer sul peigne, parce qu’on a peur qu’il nous enfonce le bout de manche pointu direct dans la jugulaire.

ON SE LAISSE CRÊPER.


Après m’avoir coiffer comme un personnage de Beverly hill 90210 et d’avoir déversé sur son chef d’œuvre une bouteille complète de spray net pour s’assurer que ça tienne jusqu’à la fin des temps, Bruno Salas a prononcé le seul mot que je l’ai entendu dire durant mes 4 heures au salon.


Il m’a regardé dans le miroir, sans aucune expression et m’a dit : « Bueno », immédiatement suivi d’un signe de va et vient de la main en guise de « tu peux disposer ».


Je me suis levée et je suis allée payer.


89$ et mon âme pour l’éternité, j’ai trouvé ça raisonnable pour me faire coiffer par le célèbre prince du quartier gai des ténèbres.


Le réceptionniste de Bruno Salas ne m’a pas offert un autre rendez-vous.

Il a EXIGÉ que je sois présente le 4 janvier à 9hrs.


Je suis sortie dans une Buenos Aires très venteuse ce matin-là et suivant 20 minutes de marche au gros vent, doublé, en après-midi, d’un cours de Hiit 30/30 durant lequel j’ai sué ma vie, quand je suis revenue à la maison, ma crinière tenait toujours en place.


***Bruno Salas est une sommité dans le domaine de la coiffure en Argentine ( je ne le savais même pas avant de prendre RDV à son salon ). Il fait plusieurs émissions de télévision, de radio, il enseigne et participe à moulte concours dont des « battle » de coiffure.


Je te mets, ici, une affiche de concours que j’ai « emprunté » sur le profil facebook de son salon.


Je ne me peux plus de trouver ça drôle !

Bruno Salas c’est…une parodie de personnage de film d’Adam Sandler, mais en vrai.

Bien qu’il soit un peu terrifiant, je l’adore !

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